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Sortir de la crise en changeant l'euro et l'europe !

 

La colère contre l'austérité monte de partout en Europe, mettant en accusation la faillite morale des dirigeants qui, en  alternance, prônent la soumission aux injonctions de la BCE, aux exigences des marchés financiers et de Berlin.

 

Le chômage fait rage, frappant de façon si brutale et massive les jeunes qu'ils sont obligés parfois, comme en Espagne, d'aller travailler en Allemagne où la démographie est crépusculaire. La récession prédomine faisant de la zone euro, pour la deuxième année consécutive, la seule région au monde où la croissance est négative. La démocratie est mise en cause par l'avancée d'un système de gouvernance qui prétend imposer automatiquement aux peuples les ajustements recommandés par les agences de notation. La souveraineté populaire est bafouée sur l’autel d’un fédéralisme mettant sous tutelle le budget des Etats européens.

 

Cette souffrance sociale terrible fait grandir un vrai dilemme. D'un côté, comme l'ont confirmé les grecs eux-mêmes,  le refus est majoritaire de sortir de l'euro. Nul ne songe à rester isolé face aux marchés financiers et à la spéculation déchaînée. Le besoin de solidarité est immense. Mais, d'un autre côté, gronde la protestation contre l'utilisation qui en est faite si propice à la domination des groupes allemands et à la finance.

 

F. Hollande répète à tue-tête que la crise de l'euro est finie. Est-ce de l'aveuglement ou la volonté de faire patienter avec l'illusion qu'une future reprise de l'économie allemande arrivera à tirer du marasme l'Europe du sud, pour peu que celle-ci continue de se plier strictement aux volontés de Merkel et Draghi ? Quoi qu'il en soit, le diagnostic est aussi erroné et trompeur que la promesse d'une inversion de la courbe du chômage en France fin 2013.

 

L'attitude de celui qui a promis, « s'il était élu président », de « renégocier » le traité Merkozy, de « réorienter la BCE », de s'attaquer à son « ennemi » la finance, et de « défendre la croissance » est d'autant plus négative que la France, à la fois dominée et dominante en Europe, occupe une place charnière pour transformer la zone euro.

 

Face à ces blocages, certains suggèrent de sortir de l'euro. Cela, affirment-ils, permettrait de mettre fin aux maux dont souffrent les Français, d'en finir avec l'austérité et d'engager une reprise durable de la croissance, grâce aux exportations stimulées par la dévaluation monétaire rendue à nouveau possible.

 

C'est une illusion démagogique et dangereuse, pour cinq grandes raisons.

 

1 - Le commerce extérieur de la France, au terme de trente années de désindustrialisation, souffre d'un déficit annuel de 60 à 70 milliards d'euros. Le retour au Franc, qui se ferait alors au prix d'une dévaluation de l'ordre de 25 % par rapport à l'euro, entraînerait automatiquement un enchérissement du même ordre du coût de nos importations et, donc, du prélèvement sur le travail des Français.

 

2 - Ce ne serait pas très grave, nous dit-on, parce que, grâce à la dévaluation du Franc, nos exportations s'envoleraient. Mais c'est ne pas voir combien la croissance est durablement lente de partout. C'est ne pas comprendre à quel point le surcroît de compétitivité-prix que cela donnerait aux exportations françaises se ferait surtout au détriment de nos partenaires d’Europe du sud, l'Allemagne voyant au contraire son excédent commercial gonflé par une dévalorisation du travail des Français qui rendra meilleur marché ses importations en provenance de son principal partenaire commercial. Et qui peut croire que les Grecs, les Italiens, les Espagnols, les Portugais, déjà crucifiés par la Troïka, resteraient l'arme au pied. Ils seraient bien obligés de riposter en sortant de l'euro et en dévaluant leur propre monnaie. Tout cela dans un contexte de spéculation déchaînée. Bref, ce serait là le scénario noir de la surenchère entre dévaluations compétitives et rétorsions protectionnistes qui ferait s'entre-déchirer les européens dans une sorte de guerre civile où toute l'Europe sombrerait !

 

3 – Notre dette publique a été très internationalisée depuis les années 1980. Aujourd'hui elle est encore détenue à 60 % par des opérateurs non résidents, banques, sociétés d'assurances, fonds de pension... Le retour au Franc dévalué entraînerait automatiquement un enchérissement de 25 % sur les quelques 1140 milliards d'euros de titres de dette détenus hors de France. Exprimés en francs, les intérêts payés bondiraient, alors même qu'ils absorbent déjà quelque 50 milliards d'euros par an ! Par contre, la dévaluation du Franc permettrait à des capitaux étrangers, allemands notamment, de mettre la main à très bon compte sur nombre de nos atouts productifs.

 

4 – La sortie de la France de l'euro entraînerait de fait l'explosion de ce système. Il ne resterait donc plus que le dollar comme monnaie de réserve internationale. Son hégémonie en serait  confortée alors qu'elle permet, depuis 1971, aux États-Unis de s'endetter dans leur propre monnaie auprès du reste du monde, pour financer leur domination militaire notamment, et de rembourser en émettant de nouveaux dollars avec la « planche à billets ». Le monde entier étouffe de cette inflation qui nourrit une gigantesque spéculation à un point tel que, désormais, les Chinois, les Russes, des latino-américains... veulent s'en émanciper par la promotion des Droits de tirage spéciaux du FMI comme monnaie de réserve alternative. Mais comment faire aboutir une telle perspective, esquissée dans les rangs du PCF dés 1981, si l'euro disparaît et, avec lui, la capacité de l'Europe à peser dans une négociation mondiale en alliance avec les pays émergents contre le dominateur commun  américain?

 

5 – Surtout, en sortant de l'euro, on déserterait le terrain de bataille pour une construction solidaire de l'Europe, au mépris de l'appel à l'aide des pays d'Europe du sud. Et on passerait à côté d'une opportunité historique pour changer en France, en Europe et dans le monde. En effet, à partir des montants de monnaie créée par la Banque centrale et dont il dispose, un système bancaire peut créer, lui-même, de la monnaie. Mais chaque pays européen dispose, isolément, d'un potentiel restreint face aux États-Unis qui ont le privilège inouï, mais encore toléré, d'emprunter en dollars au monde entier. Par contre, la création monétaire en commun, avec l'euro, offre des potentiels bien plus importants car elle est assise sur la capacité de production de richesses et la créativité de 322 millions de personnes.

 

Appuyons-nous sur l'échec de la construction actuelle de l'euro non pour régresser par rapport aux besoins de solidarité entre européens, contre la domination des marchés financiers et de Berlin, pour un nouveau type de croissance et de développement susceptible de transformer le contenu même de la mondialisation, ce que ne peut pas faire la France toute seule. Rappelons-nous que la BCE a pu, en un tour de main, mettre 1000 milliards d'euros à la disposition des banques, mais sans exiger de contrepartie parce que c'est la finance qu'elle entendait sauver, et qu'elle se dit prête, en cas de nécessité, à aller bien plus loin encore...On imagine les marges que cela procurerait si cette force était mise au service de la sécurisation de l'emploi, de la formation, des salaires, au service de la promotion des services publics en Europe, au service de la coopération dans le monde !

 

Appuyons-nous sur la perte de crédibilité des dirigeants européens sur le terrain de l'emploi, des salaires et des qualifications, sur celui des services publics, sur le terrain, aussi, de la solidarisation entre Européens, désormais si interdépendants, pour se co-développer et coopérer avec les milliards d'êtres humains des pays émergents et en développement pour construire une nouvelle civilisation de toute l'humanité.

 

A partir de la protestation qui enfle contre l'austérité, le pacte de stabilité et le sabordage des services publics, exigeons que la BCE finance directement un très grand essor des services publics et de leur coopération en Europe. Pour cela, chaque pays émettrait des titres de dette publique rachetés par la BCE. L'argent de cette création monétaire serait alors affecté à un Fonds social solidaire et écologique de développement européen, géré démocratiquement, qui le répartirait entre chaque pays proportionnellement à ses besoins.

 

A partir des luttes pour l'emploi et les salaires, contre le rationnement du crédit pour les PME, exigeons que la BCE cesse de refinancer les crédits accordés aux spéculateurs et aux entreprises qui suppriment des emplois, précarisent ou délocalisent. Exigeons qu' elle refinance les crédits pour les investissements matériels et de recherche des entreprises à des taux d'intérêts d'autant plus abaissés, jusqu'à 0 % voire en dessous, que ces investissements programmeraient plus d'emplois et de formations correctement rémunérés, plus de progrès écologiques. Et, sans attendre cette échéance, mais en l'ayant bien en vue,  imposons, dans chaque région, la création de Fonds publics de prise en charge de tout ou partie des intérêts payés aux banques par les entreprises pour financer leurs investissements à un taux d'intérêt d'autant plus abaissé que seraient programmés plus d'emplois et de formations correctement rémunérés. Ces Fonds contribueraient ainsi à une progression du potentiel fiscal des collectivités territoriales contre leur étranglement financier actuel. Ils constitueraient, simultanément, autant de bases pour la création d'un pôle financier public national développant un nouveau crédit pour une croissance pérenne riche en emplois qualifiés et durable.

 

Paul BOCCARA, Frédéric BOCCARA, Yves DIMICOLI,

                                                                                Denis DURAND, Jean-Marc DURAND,  Catherine MILLS

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