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manouchian2Nous diffusons ci-dessous l'allocution prononcée par Jean Sauvageon lors de la commémoration de Missak Manouchian le 27 février à Romans.


L’actualité récente nous montre que le combat de Missak Manouchian n’est pas oublié.

Le cinéma, le livre et le théâtre braquent les projecteurs sur un personnage encore trop oublié, un de ces héros de la Résistance, issus d’une population immigrée, qui ont participé à la libération de notre sol occupé par l’envahisseur nazi.

Lundi 1er mars et mardi 2 mars, une évocation poétique sous le titre Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent sera présentée au théâtre de La Presle.

Missak Manouchian est né le 1er septembre 1906 dans une famille de paysans arméniens. Il a 8 ans lorsque son père est tué par des militaires turcs lors du génocide. Sa mère décède peu de temps après, de maladie aggravée par la famine. Missak est très marqué par le génocide et ses conséquences. Il est recueilli par son frère Karabet. Ensemble, ils débarquent à Marseille en 1925, puis vont à Paris. Mais Karabet meurt 2 ans après. Missak travaille comme tourneur aux usines Citroën, dont il est licencié lors de la grande crise économique, au début des années 1930. Il gagne alors sa vie péniblement, mais écrit des poèmes. Avec Semma, un ami arménien, ils fondent deux revues littéraires. Ils traduisent des auteurs français en arménien. À la même époque, Missak et Semma s’inscrivent à la Sorbonne pour y suivre des cours de littérature, de philosophie, d’économie politique et d’histoire.

Missak adhère au parti communiste en 1934 et s’intègre rapidement dans la MOI (Main d’Œuvre Immigrée) dont il devient permanent. Il y rencontre Mélinée en 1935.

En 1939, il n’est pas mobilisé puisque étranger mais affecté dans une usine de la région de Rouen. Après l’armistice de juin 1940, il revient à Paris où il reprend ses activités militantes, devenues clandestines puisque le parti communiste est interdit. Il est arrêté une première fois le 22 juin 1941. Interné au camp de Compiègne, il est libéré au bout de quelques semaines, aucune charge n’étant retenu contre lui.

Il devient alors responsable politique de la section arménienne de la MOI. En février 1943, il est versé dans les FTP-MOI. En juillet 1943, il en devient commissaire technique et en août commissaire militaire. Joseph Epstein est alors le responsable de l’ensemble des FTP-MOI de la région parisienne. Manouchian a trois détachements sous ses ordres, soit une cinquantaine de Résistants. Les groupes de Manouchian sont les auteurs d’une trentaine d’opérations dans Paris d’août à la mi-novembre 1943. On doit mettre notamment à l’actif de Missak, associé à Marcel Rayman, Léo Kneler et Célestino Alfonso, le 28 septembre 1943, l’exécution de général allemand Julius Ritter, adjoint pour la France de Fritz Sauckel, responsable du STO pour l’Europe.

Cependant, certainement à cause d’une dénonciation, à la mi-novembre, un vaste coup de filet démantèle complètement le réseau des FTP-MOI. 68 arrestations sont opérées. Joseph Epstein et Missak Manouchian sont arrêtés le 16 novembre 1943. Mélinée parvient à s’échapper.

Missak et ses camarades sont torturés. Vingt-trois sont livrés aux Allemands. Les 22 hommes sont fusillés au Mont Valérien le 21 février 1944. Missak a 38 ans. Olga Bancic, seule femme, est déportée en Allemagne où elle est décapitée.

Qui étaient ces Résistants ? C’étaient 8 Polonais, 5 Italiens, 3 Hongrois, 2 Arméniens, un Espagnol, une Roumaine, 3 Français.

Voulant impressionner la population, la propagande allemande édite une affiche sur fond rouge portant en médaillons noirs les visages de 10 des fusillés. Ce que l’occupant a appelé « l’armée du crime » pensant que de désigner ainsi ces étrangers, « Noirs de barbe et de nuit, hirsutes, menaçants », attirerait la haine des Français, il « y cherchait un effet de peur sur les passants ». Pour amplifier l’impression sur la population, la photo de dix des fusillés comporte une légende donnant les identités, les nationalités et les méfaits qui leur sont attribués : trois sont qualifiés de « Juifs hongrois », quatre de « Juifs polonais », un « d’Espagnol rouge », un de « communiste italien »

Tout est concentré sur les réflexes antisémites et xénophobes que l’on veut susciter chez les lecteurs de l’affiche.

L’affiche a été complétée par un tract reproduisant l’affiche au recto et, au verso, un commentaire édifiant : « Si des Français volent, sabotent et tuent, ce sont toujours des étrangers qui les commandent ; ce sont toujours des chômeurs et des criminels professionnels qui exécutent ; ce sont toujours des Juifs qui les inspirent. »

La propagande ennemie veut montrer que ces hommes ne sont pas des libérateurs mais des criminels, des terroristes, des droits communs.

Les Allemands et le gouvernement de Vichy ont voulu transformer le procès en propagande contre la Résistance. Ils ont voulu montrer que la Résistance n’est que du banditisme, un complot étranger contre la France. Il s’agissait de déstabiliser la Résistance à un moment où elle s’est organisée et s’oppose avec plus d’efficacité aux forces de répression.

L’affiche tirée à 15 000 exemplaires, placardée sur les murs pour faire peur produit l’effet inverse. Les fusillés du Mont Valérien deviennent des héros et des martyrs. Leur sacrifice a contribué à faire évoluer la conscience des Français vers une approbation de la lutte des Résistants contre l’occupant et ses séides ce Vichy.

Leur exemple a montré que nombre d’étrangers qui avaient cru trouver refuge dans la patrie des droits de l’homme se sont intégrés pleinement dans la Résistance, souvent plus que certains Français.

Le rappel de cet évènement et les moyens utilisés par la propagande nazie apportent un éclairage dans le débat actuel sur l’identité nationale.

Il est bien que chaque année, ici, depuis la dénomination de cette rue du nom de Missak Manouchian en 1987, en présence de Mélinée Manouchian, le sacrifice de ces héros soit évoqué. Et pour citer les derniers vers d’Aragon :

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent

Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps

Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir

Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant

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