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Dans une tribune libre (14/04/09), trois responsables de la Commission Santé du PCF ont à juste raison éclairé le choix libéral de l’Union Européenne : les réformes des systèmes de santé visent la marchandisation, la mise en concurrence et la privatisation.

Notre système transfusionnel aussi est menacé. Car il est éthique de par la loi française, c’est-à-dire basé sur le don anonyme, volontaire, bénévole, hors commerce, le profit y est interdit. Une hérésie pour les multinationales et la Commission de Bruxelles !

Ce sont les médicaments dérivés du plasma sanguin qui cristallisent les enjeux. Bien que quasiment inconnus du public, les MDS (Médicaments Dérivés du Sang) sont utilisés par 500 000 malades/an en moyenne, permettant de traiter des maladies graves : déficits immunitaires, déficits de coagulation, maladies auto-immunes, des maladies rares liées à un déficit spécifique, l’incompatibilité du Rhésus sanguin entre la mère et le fœtus… etc. Cela concerne aussi presque deux millions de donneurs de sang.

Profitant d’une période de faiblesse du mouvement des donneurs de sang, lors du vote de la loi du 4/01/1993, le ministre de la Santé d’alors, B. Kouchner, a imposé un texte issu d’une directive européenne. Il a créé un dispositif dérogatoire qui permet d’introduire en France des Médicaments Dérivés du Sang provenant de prélèvements rémunérés.

Les multinationales spécialisées dans le commerce de produits humains* se sont engouffrées dans cette brèche. Au cours des dernières années, elles sont devenues agressives car elles bénéficient de complaisances aux plus hauts niveaux.

Ainsi, le 10 janvier 2007, la députée suppléante du ministre Borloo a réussi à faire voter un amendement favorable aux multinationales. Les organisations de donneurs de Sang ont fait échouer cette opération lors du vote du Sénat le 24.01.2007.

Puis, le 12.02.2009, le rapporteur de la loi HPST (loi Bachelot) a introduit subrepticement un amendement visant à faire disparaître le caractère public du L.F.B. (Laboratoire du Fractionnement et des Biotechnologies) qui produit les Médicaments dérivés, éthiques, pour les besoins français. Le FLB produit aussi à façon pour un grand nombre de pays (dont le Brésil) à partir de leurs collectes de sang, éthiques aussi. Là encore, la réaction des instances des donneurs de Sang a obligé le gouvernement à présenter un amendement supprimant le précédent.

Il est politiquement significatif que le quotidien financier « La Tribune » ait rapporté le 28.03.09 la réaction du directeur général en France de la multinationale australienne CSL Berhing : « Pour nous, cet amendement est une gifle ».

Dès l’échec de leur lobbying au Sénat le 24.01.07, les 3 multinationales ont déposé plainte contre la France auprès de la Commission de Bruxelles en dénonçant le contenu de l’article 5121-11 du Code de Santé Publique (CSP) qui impose l’utilisation de produits éthiques issus du Don de Sang bénévole. La « dérogation Kouchner » ne devant s’appliquer qu’aux situations de pénurie ou aux médicaments apportant une « amélioration en terme de qualité » pour le malade.

La Commission de Bruxelles a naturellement pris le parti des multinationales et a mis en demeure la France de « se conformer au droit communautaire », c’est-à-dire à la mise en concurrence libre et non faussée.

Or, plusieurs textes européens distinguent les médicaments dérivés du sang des autres médicaments :

- la directive 89/381/CEE du 14.06.89 entrée en vigueur le 1.1.92 dispose dans son article 4 que : « les états encouragent les dons de sang ou de plasma volontaires… et prennent toutes mesures utiles pour le développement de la production et de l’utilisation des produits dérivés du sang et du plasma humain provenant de dons volontaires et non rémunérés »

- la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (Traité de Nice) du 7.12.2000 proclame : « La dignité humaine est indivisible » et dans l’alinéa 4 de l’article 2 « l’interdiction de faire du corps humain et de ses parties en tant que tels, une source de profits ».

La Commission de Bruxelles n’en a cure et c’est par sa « Direction générale entreprises et industrie » qu’elle a mis la France en demeure, prétextant que la législation communautaire de la promotion du Don de Sang éthique n’implique pas l’interdiction des médicaments dérivés du sang ou du plasma rémunéré.

A la veille de l’échéance électorale européenne, ces faits doivent être connus des citoyens. Ce sont des arguments supplémentaires pour sanctionner la Commission de Bruxelles et les libéraux français qui défendent complaisamment les intérêts des multinationales commercialisant des produits humains. Car ce sont seulement les populations vulnérables, marginalisées qui vendent leur sang ou leur plasma. Le profit de ces multinationales, les dividendes de leurs actionnaires, c’est le sang des pauvres de quartiers défavorisés et de zones frontalières. C’est indigne.

 

 

*Six multinationales existent dans le monde. Trois opèrent en France : Baxter (USA), CSL Berhing (Australie), Octapharma (Suisse). Le marché mondial s’élève à 10 milliards de dollars
Tag(s) : #TRIBUNE LIBRE
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